Dites le vrai. […]
Ne me racontez pas un opprobre notoire
Comme on raconterait n’importe quelle histoire.
Victor Hugo, « Aux Historiens », Toute la lyre, 1875.
Au moment où la Grèce vient d’infliger un cuisant revers au système de domination politique et économique de Bruxelles, qui constitue une victoire pour tous les peuples d’Europe, et à quelques jours de la commémoration du 14 juillet en France – le 17 n’est hélas pas encore un deuil national –, il est bon de faire quelques rappels de l’Histoire, la vraie, celle de l’opprobre notoire et non pas les fariboles officielles de l’histoire de bonne compagnie : lorsque la cariatide, ou petit peuple, s’avise de se mêler de ce qui ne la regarde pas, à savoir la gestion des affaires publiques, l’oligarchie dominante répond par un feu roulant visant à écraser toute velléité d’indépendance. Les yeux de l’Europe sont aujourd’hui rivés sur la Grèce, entre l’espoir d’un authentique Printemps des peuples (qui se fait toujours attendre en Occident) initié par l’exemple grec, et la crainte de voir à nouveau la volonté populaire bafouée, comme ce fut le cas en France après la victoire du Non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, voire d’un coup d’Etat à Athènes via un nouveau Maïdan.
Silence aux pauvres
Extraits :
Après la fuite de Varenne, l’Assemblée Constituante décréta l’inviolabilité de la personne du Roi, qui le plaçait de fait au-dessus des lois :
« […] On le fait savoir aux citoyens passifs [non-électeurs car non-possédants, la majorité du peuple Français], qui protestent et qui voudraient se mêler de ce qui ne les regarde pas, et qui ont demandé qu’on vienne signer un manifeste sur le Champ de Mars : il y a de l’encre, il y a des feuilles de papier, il y a de quoi écrire pour demander la déchéance du Roi. C’est extrêmement grave. Ce sont des gens qui sont exclus de la vie nationale puisqu’on leur a dit ‘Vous ne votez pas, vous êtes des passifs, vous ne comptez pas’. Et voilà que ces passifs se mettent à réclamer la déchéance du Roi.
Alors on va leur tirer dessus. Et brusquement, la municipalité de Paris, c’est-à-dire Bailly et La Fayette ont décidé d’arborer le drapeau rouge. Le drapeau rouge à l’hôtel de ville. Aujourd’hui, drapeau rouge, on pense révolution, mais il faut bien savoir que le drapeau rouge autrefois représentait la loi martiale, ce qui veut dire sommation, et si les gens n’obéissent pas à la sommation, on leur tirera dessus.
Il y avait une foule ce 17 juillet 1991, c’était un Dimanche, et les petites gens, les pauvres gens gravissaient un grand escalier au sommet duquel il y avait l’autel du Champ de Mars, l’autel de la Fédération, et les gens signaient, depuis le début du matin. Et puis tout à coup, on leur annonce la loi martiale. On ne saura jamais exactement ce qui s’est passé, mais il y a eu un coup de feu, et la garde nationale va répondre par un feu roulant. Feu roulant sur le peuple. Le gouvernement dira qu’il y a eu douze tués, et c’est évidemment un mensonge. Robespierre, qui exagère toujours, dira qu’il y a eu 2000 tués. Ce n’est pas vrai, mais il y a eu beaucoup de tués, et l’évaluation la plus modeste est d’une centaine de tués. […] »
Voir également cette autre série de conférences passionnantes d’Henri Guillemin sur Robespierre :
« […] C’est une date, ce 17 juillet 1791, qu’il faudrait inscrire en rouge dans les livres, au moins aussi gros que le 14 juillet. Le 17 juillet 1791, sans sommation, on fera tirer sur le peuple parce qu’il se mêle de ce qu’il le regarde pas, en demandant la déchéance du roi. […] Ça, c’est une leçon donnée aux petites gens qui veulent s’occuper de la gestion des affaires nationales, qui n’appartient qu’aux possédants.
En somme, les Constituants sont des voltairiens. Comprenez-moi bien, je ne parle pas du tout de Voltaire au sens religieux. On en parle tout le temps, mais on oublie que Voltaire avait une certaine doctrine politique. Et Voltaire avait affirmé la doctrine que voici : « Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne. » Ça, c’est une morale d’entretenu. Eh bien, c’est la morale de la Constituante.
Il y avait un monsieur qui n’était pas d’accord. Un seul, un seul ! Un petit avocaillon d’Arras, qui s’appelait Maximilien de Robespierre. Il était tout seul à la Constituante à faire des protestations. […] »