Prononcé à Beyrouth via écran télévisé le 25 janvier 2013.
Traduction bénévole et non officielle (http://sayed7asan.blogspot.fr).
Vidéos originales censurées par Youtube (Voir Kafka 2.0 : Comment s’exerce la censure politique sur Youtube)
Plan du discours :
Salutations et Introduction
Section religieuse :
Le Prophète de l’Islam : un exemple
Le Message égalitaire de l’Islam
La campagne d’offenses contre l’Islam et le Prophète
Section politique :
Le danger des conflits et séditions
Les conflits inter-musulmans dans l’histoire
Les conflits actuels sont politiques et non religieux
Les élections israéliennes : Sharon, le dernier Roi d’Israël
Le Liban et la loi électorale
Les autres problèmes internes
Transcription :
[Section religieuse du discours]
[Salutations]
Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.
Louange à Dieu, Seigneur des Mondes.
Mes frères et mes sœurs ! Que la paix d’Allah soit sur vous tous, ainsi que Sa Miséricorde et Sa Grâce.
[Sommaire]
En cette occasion, comme à mon habitude, je vous annonce les différentes parties de mon discours. Je parlerai dans un premier temps du Prophète – saas. Puis j’évoquerai la scène internationale. Je ferai ensuite quelques commentaires sur les élections israéliennes, et je terminerai par des considérations sur la situation interne du Liban.
[Le Prophète de l’Islam : un exemple]
Pour établir la valeur d’une personnalité, quelle qu’elle soit, ou rendre un jugement à son égard, que ce jugement soit favorable ou défavorable, si nous voulons donner une « note » à cette personne, il y a plusieurs normes reconnues pour ce faire, dont les plus importantes et les plus essentielles sont les deux normes suivantes : la première réside dans les qualités personnelles et intérieures que cette personne possède, au niveau de son intelligence, de son esprit, de son âme, de ses manières. Nous appelons ces caractéristiques les qualités, aptitudes et talents personnels, qu’ils soient bons ou mauvais. C’est d’après cela que nous jugeons favorablement ou défavorablement de la personnalité en question.
La deuxième norme réside dans les actions de cette personnalité, ses réalisations extérieures, les traces, la tradition qu’elle a laissée, ses influences et ses accomplissements, ce qu’elle a construit et laissé pour les hommes, qu’il s’agisse de succès et de bienfaits ou de catastrophes et de calamités.
Pour ce qui est de la première norme, nous pouvons voir que notre Plus Eminent Prophète Muhammad – saas – était doté de perfections intellectuelles, morales, mentales, spirituelles, et dans tous les autres domaines, qui atteignaient le sommet en toutes choses. Les louanges adressées à cet Eminent Prophète, que nous trouvons dans le Livre d’Allah Tout-Puissant et qui furent également mentionnées par les Prophètes qui le précédèrent, ainsi que par tous ceux qui furent ses contemporains, qu’il s’agisse de ceux qui crurent en lui comme ses Compagnons et sa Famille ou de ceux qui furent ses opposants et ennemis, tous reconnaissaient au Prophète d’Allah – saas – ces perfections.
Lorsqu’Allah Tout-Puissant et Très-Haut décrit cet Eminent Prophète – saas –, Il le décrit comme {ayant les plus nobles manières3}. Allah parle de la miséricorde du Prophète – saas –, de sa bonté, de ses manières, de son humilité, de ses émotions, de son humanité et de toutes ses perfections, ce qui est reconnu par tout le monde. Tout le monde reconnaît sa fidélité, sa loyauté, le respect de ses promesses, des traités et accords conclus.
Ainsi pouvons-nous voir que ses ennemis et antagonistes ne trouvèrent pas un seul défaut dans sa personnalité. Ils ne trouvèrent aucune tare, aucune imperfection à travers lesquels ils eussent pu l’atteindre. D’aucuns pourraient considérer qu’il y aurait (au conditionnel) une remarque à faire sur le fait qu’il ait été illettré. Mais c’est là un point de force, et non un point de faiblesse. C’est son miracle. C’est la preuve de son lien avec Allah Tout-Puissant. C’est la preuve de son savoir divin. Telle est donc la personnalité du Prophète d’Allah – saas.
Mise à part la question des insultes blasphématoires, sur laquelle je reviendrai plus tard, nous pouvons voir que jusqu’à ce jour, cette grande personnalité est reconnue par des intellectuels, philosophes, personnalités et élites au niveau international, Musulmans, Chrétiens et autres, (tous ceux) qui évaluent les personnages historiques de manière juste, équitable, honnête, scientifique et objective. Je ne pense pas qu’il se trouve une autre personnalité qui ait atteint un tel niveau de consensus, de louanges, d’estime, de révérence et de glorification.
Eu égard à la seconde norme (je vais vite car il y a quatre thèmes à traiter), considérons ce qu’il a laissé, accompli et réalisé, les transformations intellectuelles, culturelles, spirituelles, morales, sociales, politiques et civilisationelles que cet Eminent Prophète (saas) a réalisées à travers son mouvement et son appel, ainsi que la Communauté qu’il a fondée et qu’il a initiée dans l’histoire, et qui perdure jusqu’à ce jour sur des bases humaines et spirituelles.
[Le Message égalitaire de l’Islam]
Mes frères et sœurs ! L’un des aspects les plus importants que nous devons rappeler aujourd’hui est que le Prophète d’Allah, le Prophète de l’Islam – saas –, à cette époque et depuis cette époque, a rétabli l’humanité dans son fondement humain premier. Plus encore, il a valorisé et élevé cet aspect humain. En effet, la société de la péninsule arabique et même le monde entier à cette époque, que ce soient les régions contrôlées par l’Empire Romain ou par l’Empire Perse, le monde entier était régi et organisé par différents types de discriminations. Des discriminations dues au sexe, entre l’homme et la femme – et les femmes n’étaient pas victimes de discriminations dans la seule péninsule arabique, mais dans le monde entier. Des discriminations raciales, selon que l’on soit de race blanche, noire, jaune ou rouge. Des discriminations selon l’ethnie, entre Arabes, non-Arabes et autres. Des discriminations au niveau des tribus (Quraish et non-Quraish, etc.), et des discriminations au niveau de la parenté (selon qu’on appartienne à telle ou telle famille).
Ce Grand Prophète pétri d’humanité vint dire à tous les hommes : vous êtes tous des descendants d’Adam, et Adam a été créé de poussière. Il vint leur dire que tous les hommes sont égaux, à l’image des dents d’un peigne. Il vint leur réciter les mots d’Allah Tout-Puissant : {O hommes ! Nous vous avons créés d’un male et d’une femelle.} Il s’adressait en ces termes à la communauté qui opprimait les femmes et enterrait les filles vivantes : {O hommes ! Nous vous avons créés d’un male et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux4.} Ainsi les hommes et les femmes ont-ils la même valeur humaine. Les Arabes et les non-Arabes ont la même valeur humaine. Les blancs, les noirs, les jaunes et les rouges ont la même valeur humaine. Le maître et l’esclave – car à cette époque il y avait des serviteurs et des esclaves – ont la même valeur humaine.
Comment cette société pouvait-elle tolérer ce discours, elle qui considérait les esclaves et les serviteurs comme des êtres inférieurs ? Mais cette religion et ce Prophète vinrent avec ce discours plein d’humanité qui s’opposait à tout ce qui était la norme en fait de traditions, cultures, coutumes et sentiments populaires prédominants à cette époque.
Oui, il vint leur dire que du point de vue de l’humanité, tous avaient la même valeur. Ce n’était donc pas du point de vue du sexe, de la race, de la tribu ou de la parenté qu’on pouvait se mesurer les uns aux autres. Ce n’est que par les bonnes actions, les bienfaits, les vertus, par l’éloignement des mauvaises manières, l’éloignement des méfaits, des actions viles et des actes de désobéissance qu’on pouvait véritablement rivaliser avec ses semblables.
« Le meilleur d’entre vous et le meilleur pour sa famille. » « Ceux qui sont le plus aimés d’Allah sont ceux dont l’entourage bénéficie le plus.5 » Il a imposé ce standard.
Bien plus, le Prophète d’Allah – saas – insista sur l’importance de toujours considérer et approcher les autres avec humanité : par exemple les orphelins, les pauvres, les nécessiteux, les miséreux, ceux qui n’ont pas de soutien de famille, les craintifs, les malheureux, les réfugiés. Le Prophète d’Allah – saas – insista sur l’importance d’aider ces gens. Il n’insista pas seulement sur la nécessité de les aider matériellement et de leur fournir des ressources et un asile sûr, mais il souligna encore le fait que les pauvres, les nécessiteux, les orphelins et les malheureux, etc., ne sont pas un groupe de personnes qu’on doit seulement considérer d’un point de vue “matériel”, qu’on peut instrumentaliser. Par exemple, une personne pourrait aider les pauvres et les nécessiteux pour son bien terrestre, pour gagner leurs voix aux élections, ou pour être rétribuée dans l’au-delà et gagner une place ou un degré au paradis. Ce Prophète ne s’est pas satisfait de cette façon de voir ; il affirma que nous devons éprouver des sentiments authentiques envers ces personnes et ces groupes – l’amour, la fraternité, le respect et l’estime. Et c’est pourquoi le Prophète d’Allah – saas – avait l’habitude de s’asseoir avec les pauvres, de les accueillir, de les faire manger avec lui, de leur parler, de les traiter avec humilité, et de vivre leur vie afin de souligner que notre relation avec eux doit être profondément humaine. Un homme pourrait être riche et disposer de sommes d’argent colossales, il pourrait donner aux pauvres et aux nécessiteux autant d’argent que l’on voudra. Malgré cela, si un pauvre venait à lui pour lui serrer la main, il se rebuterait. Il penserait peut-être qu’il ne sied pas à son rang de s’asseoir à la table d’un pauvre. Il y a donc une grande différence entre ces deux attitudes.
Plus encore, le Prophète d’Allah – saas – a œuvré afin de retirer l’homme égoïste qui avait l’habitude de réfléchir dans les limites de ses intérêts personnels ou dans les limites de sa tribu ou de son clan afin qu’il devienne un être humain plein d’humanité, ouvert au monde et soucieux des préoccupations des gens, touché par les souffrances des autres, partageant avec eux leurs moments de joie, pensant à les aider, et leur tendant une main secourable. C’est là une grande démonstration d’humanité.
[La campagne d’offenses contre l’Islam et le Prophète]
Malheureusement, il y a à l’heure actuelle une campagne délibérée et suspecte qui insulte cet Eminent Prophète et remet en cause son humanité et l’humanité de sa religion et de ses enseignements. C’est effectivement l’un des plus grands défis auxquels la communauté islamique et tous ses savants, ainsi que tous les musulmans, doivent faire face aujourd’hui.
Ici, je commence peu à peu à glisser dans la section internationale de mon discours. Sans aucun doute, nous faisons face à des injures telles que des films, des caricatures, des ouvrages ou des propos qui, en réalité, ne constituent pas des objections intellectuelles ou scientifiques. Nous ne sommes nullement opposés au fait que quiconque exprime des objections à l’encontre de nos convictions, de notre mode de pensée, de notre religion et de notre Prophète si elles reposent sur des preuves, des démonstrations rationnelles et des arguments. Il n’y a aucun problème à cela. Plus encore, le Coran nous appelle à ce genre de dialogue, à ce débat, il recommande la sagesse et les bons conseils, et il invite aux échanges menés {de la meilleure façon 6}. Mais en ce qui concerne l’injure, l’offense et l’humiliation, personne ne l’accepte jamais à l’encontre de la sainteté reconnue de quiconque.
Nous devons évidemment manifester notre colère légitime, notre indignation et notre réprobation. Cependant, ce que nous devons également dire aujourd’hui en ce jour de l’anniversaire de ce Grand Prophète – saas – est qu’il est de notre responsabilité de travailler de manière constructive pour faire connaître au monde le Prophète tel qu’il était, sa biographie, ses qualités, sa perfection, sa religion, ses enseignements et ses paroles. Il y a des choses qui sont injustement attribuées au Prophète d’Allah – saas -, par inimitié et par volonté d’agression. Il y a des choses qui sont injustement attribuées à la religion du Prophète d’Allah – saas. Ces choses-là doivent être clarifiées. Si certains ont des doutes ou des idées fausses, nous devons les éclairer. Le monde entier doit pouvoir effectivement connaître cette personnalité historique exceptionnelle et grandiose.
Sur la base du verset {Il se peut que vous ayez de l’aversion pour quelque chose alors que c’est un bien pour vous7}, peut-être qu’en général, nous autres – organisations musulmanes, savants, musulmans des différentes écoles de pensée, tous courants confondus, – il se peut que durant des décennies et peut-être même des siècles, chacun se soit surtout efforcé de parler des imams de son école, de ses savants, de ses juristes, de son groupe, considérant que nous sommes tous d’accord sur le Prophète d’Allah – saas. Il y a un consensus sur sa personne. Chacun s’est donc surtout efforcé de valoriser les personnes (imams, etc.) sur qui il y a des divergences.
Cependant, aujourd’hui et face à ce défi, indépendamment de la pertinence ou de l’erreur des démarches que nous avons eues par le passé, il est de la responsabilité de tous les Musulmans, de tous les savants de l’Islam, de tous ceux qui adhèrent aux différentes écoles islamiques, de donner la priorité à faire connaître le Prophète, dont la prophétie, le respect, la sainteté, la gloire et la déférence qui lui sont dus font consensus parmi eux, et qui constitue leur grand rassembleur et unificateur. Afin d’accomplir ce devoir, des efforts doivent être déployés sur les plans intellectuel, scientifique, culturel, dans les médias, par la recherche et la publication, etc. La négligence ni la défaillance ne sont permises car c’est le bloc adverse qui porte les coups et persiste dans cette bataille. Les offenses contre le Prophète d’Allah – saas – ne sont pas un épisode transitoire, ni des erreurs de tir ou le simple fait d’individus particuliers. Au contraire, comme nous l’avons dit précédemment à d’autres occasions, elles sont fomentées par des groupes qui savent très bien ce qu’ils font et ce qu’ils attendent de cette campagne, à savoir causer des tensions et des séditions entre les Musulmans et les Chrétiens, et parmi les Musulmans eux-mêmes, en plus d’entraîner les Musulmans à des réactions qui peuvent être inopportunes, inconsidérées, etc. Il y a bien des objectifs dans cette campagne, et elle doit être confrontée.
[Section politique du discours]
[Le danger des conflits et séditions]
Lorsque nous observons ce qui se passe dans notre région, nous voyons que l’un des principaux défis actuels est la magnitude et la propagation des conflits, combats, affrontements et divisions dans de nombreux pays Arabes et Musulmans. Ils existent que ce soit au niveau des religions – entre les Musulmans et les Chrétiens, comme c’est le cas dans des pays islamiques tels que le Nigéria – ou au niveau des écoles – c’est-à-dire entre les Sunnites et les Chi’ites.
Cependant, j’aimerais considérer les choses d’une manière plus pragmatique, plus concrète, afin d’éviter de donner aux choses une importance plus grande que celle qu’elles ont réellement. En réalité, la nature des conflits qui existent aujourd’hui dépasse la question des religions et des écoles. Il y a des pays Arabes dans lesquels toute la population est musulmane. Il n’y a donc pas de Chrétiens. Tous sont de la même religion. Il y a également des pays Arabes dans lesquels tous sont de la même école, dans lesquels il n’y a pas de Chi’ites. Plus encore, il y a des pays Arabes dans lesquels tous les habitants appartiennent à la même école Sunnite. Malgré tout, il y a des troubles et des affrontements dans ces pays. C’est parce que dans tous les pays Arabes et Islamiques, il y a des courants patriotiques, des courants islamistes, des courants nationalistes, de même que des Sufis et des Salafistes. Il y a l’Est et l’Ouest. Il y a le Nord et le Sud. Il y a des tribus et des clans, etc. Il y a des statuts sociaux et des tendances diverses et variées. Par conséquent, il n’est pas juste de caractériser le chaos, les troubles et les défis qui existent actuellement dans la région par une dimension religieuse ou sectaire. Il n’est pas juste de limiter ce qui se passe à cela car en réalité il s’agit de bien plus que ça.
Pour évaluer ces faits sur lesquels je m’étendrai ensuite, nous considérons que nous au Liban (les Libanais) faisons partie de cette région. Nous au Liban avons nos propres troubles. Nous faisons partie du monde Arabe et Islamique, et notre pays est influencé par ce qui se passe dans le monde Arabe et Islamique, que cela nous plaise ou non. Il est également influencé par ce qui se passe dans la région et dans le monde. Il est même possible que le Liban soit le pays qui est le plus influencé par ce qui se passe dans son environnement. En évoquant ces développements dans la région, je veux souligner les quelques points suivants :
Premièrement, s’il y a des conflits, des tensions et des combats dans la région, il ne faut pas en être terrifié, et ne laissons personne nous terroriser avec ce fait. Cela a toujours existé. Il y a toujours eu des conflits, des combats et des guerres à travers l’histoire. Cela a toujours existé dans l’histoire des Musulmans, ainsi que dans l’histoire des non-Musulmans. Cela a également existé parmi les Chrétiens. Cela a toujours existé parmi les différentes religions et parmi les différentes races. Cela a toujours existé dans l’histoire du monde depuis qu’Allah a créé Adam et jusqu’à ce jour. Ce qui se produit est ce dont les Anges avaient parlé : {Vas-Tu établir [sur la Terre] quelqu’un qui y commettra le mal et y répandra le sang ?8} C’est l’histoire de l’humanité : tant que les hommes sont des hommes, ils ont des désirs, ils sont cupides et immodérés, etc. Tout cela est naturel.
La tragédie la plus importante et la plus sérieuse est donc lorsque nous ne savons pas comment gérer ces crises, comment nous comporter face à elles. C’est-à-dire lorsque face à ces événements dramatiques, nous perdons notre raison, nous sommes incapables de mettre en ordre les priorités, nous perdons notre sang-froid et notre aptitude à prendre des décisions, et nous sommes incapables de prendre des initiatives. C’est là le plus grand danger. Cependant, si nous agissions tous avec raison, avec responsabilité, si nous assumions nos responsabilités et n’étions pas apeurés et dépassés par les événements, si nous décidions de faire face à ces crises, à ces combats et à ces conflits avec sagesse et responsabilité, nous pourrions éviter bien des difficultés et résoudre pour le mieux ces problèmes qui seraient peut-être advenus dans tous les cas. C’est un premier point.
Deuxièmement, même en considérant les pays dans lesquels il y a plusieurs religions ou plusieurs écoles, nous devons être conscients du fait que les tensions ne sont pas toujours essentiellement et foncièrement religieuses ou sectaires. Parlons de ce problème de manière précise et chiffrée.
Je ne dirais pas “tous” les différends, conflits, combats et guerres qui ont eu lieu. Je ne parle pas des disputes intellectuelles, idéologiques, religieuses ou jurisprudentielles. Non, je parle des combats, conflits, guerres et divisions dans lesquels les gens s’attaquent et se tuent mutuellement, etc. La plupart des guerres et confrontations qui ont eu lieu avaient un fond et des causes politiques ainsi que des objectifs politiques qui se ramenaient au pouvoir, au contrôle et à la mainmise sur les capacités de la communauté. Elles n’avaient rien à voir avec la religion, les Chi’ites ou les Sunnites. Elles n’avaient rien à voir avec l’Islam ou la Chrétienté. Beaucoup de guerres étaient ainsi. Je ne dis pas absolument “toutes” les guerres. Je parle ici de la plupart des guerres.
[Les conflits inter-musulmans dans l’histoire]
Je n’ai pas le temps de parcourir toute l’histoire. Je vais seulement donner deux ou trois exemples.
Par exemple, l’une des plus grandes guerres dans l’histoire des Musulmans est celle qui a opposé les Omeyyades aux Abbassides. Cette guerre a entrainé de véritables massacres. Des dizaines de milliers, et même des centaines de milliers de personnes y ont été tuées. Eh bien, qu’est-ce que les Sunnites, les Chi’ites, la religion de l’Islam et le Prophète de l’Islam – saas – avaient à voir avec la guerre entre les Abbassides et les Omeyyades ? C’était une guerre pour le pouvoir. C’était une guerre pour savoir qui allait régner sur la nation musulmane et la diriger.
Après cela, il y eut une longue guerre entre Al-Amine et Al-Ma’mun, les deux Abbassides. Cette guerre dura des années, et des dizaines de milliers de personnes y furent tuées. Qu’est-ce que les Chi’ites et les Sunnites ont à voir avec cette guerre ? Je dis cela pour que personne ne nous tienne responsables de choses avec lesquelles nous n’avons rien à voir. Les Sunnites et les Chi’ites n’ont rien à voir avec cette guerre. Ces deux individus se sont disputés pour le pouvoir, et ils ont fait la guerre de Dahes et d’Al Ghabraa. Ils ont démoli la nation entière pour prendre le pouvoir. Le gouvernement des Abbassides a duré des centaines d’années. Il y avait des guerres entre les princes et les ministres. Ils s’entretuaient. Ils menaient des guerres et envahissaient des villes. Qu’est-ce que les Sunnites et les Chi’ites ont à voir avec les guerres des princes et des ministres ? Elles durèrent des centaines d’années. Bien sûr, on a pu instrumentaliser et exploiter l’Islam, les religions et les différentes écoles au service de ces conflits, mais ce n’était pas la véritable cause des guerres qui avaient lieu.
Parlons maintenant de l’histoire plus récente. Quelque 500 ans auparavant, il y eut une guerre entre les Ottomans et les Mamelouks. Qu’est-ce que ces guerres ont à voir avec les Sunnites et les Chi’ites ? Qu’est-ce que la religion a à voir avec ça ? Qu’est-ce que l’Islam a à voir avec ça ? Au contraire, lorsque les Ottomans vainquirent les Mamelouks, les Mamelouks venaient d’enregistrer une grande victoire nationale. Les Ottomans vinrent et les écrasèrent. Il est donc clair que ce n’était pas là un conflit religieux ou sectaire, pas du tout. Ce n’était pas le cas. Peut-être que certaines guerres avaient une cause religieuse et sectaire, mais ce serait une petite minorité des guerres. Cependant, la grande majorité des guerres n’étaient pas religieuses mais politiques.
Il y a quelques années, l’une des guerres les plus dangereuses qui eut lieu dans notre région et posa les fondations d’une situation politique et sécuritaire complètement nouvelle, qui vit les flottes Américaines venir dans la région, fut la guerre de Saddam Hussein contre le Koweït. Eh bien, était-ce une guerre religieuse ? Etait-ce une guerre entre les Sunnites et les Chi’ites ? Qu’est-ce qu’ils avaient à voir avec cela ? C’était une guerre pour contrôler le pétrole et le territoire. C’était une guerre de pouvoir. Oui, comme je l’ai dit, il est parfois possible que d’aucuns instrumentalisent cette question des religions et des différentes écoles. Par exemple, si la guerre était entre les Ottomans et les Mamelouks, ce serait une guerre de pouvoir ; mais si c’était une guerre entre les Ottomans et les Safavis [dynastie iranienne chi’ite], ou entre les Safavis et les Ottomans, ce deviendrait une guerre entre Sunnites et Chi’ites ?! Non, mon frère ! Non, ce n’était pas une guerre entre Sunnites et Chi’ites. C’était bien plutôt une guerre de pouvoir. Je ne veux pas prendre parti pour les Ottomans ou pour les Safavis. Ce n’est pas une recherche historique, c’est seulement un exemple.
Eh bien, que les Ayyoubides et les Mamelouks se fassent la guerre, ce serait une guerre pour le pouvoir. Cependant, que les Ayyoubides et les Fatimides [dynastie égyptienne chi’ite] se fassent la guerre, ce serait une guerre sectaire. Mais dans le fond, ce n’est pas une guerre sectaire. En réalité, c’est une guerre pour le pouvoir.
[Les conflits actuels sont politiques et non religieux]
Ainsi, nombre des guerres qui ont eu lieu et nombre des luttes et conflits qui ont lieu aujourd’hui – je ne veux plus parler de l’histoire ancienne, je parle du présent – sont au fond politiques et n’ont rien à voir avec les écoles et les religions. Elles n’ont rien à voir avec l’Islam, le Christianisme, le Chi’isme ou le Sunnisme. Eh bien, parlons également de la guerre que Saddam Hussein a menée contre la République Islamique d’Iran et qui a duré plus de 8 ans. Il est heureux qu’il n’ait pas donné à ce conflit une dimension sectaire. Il ne pouvait pas le faire pour une raison naturelle et pratique, à savoir qu’un grand nombre des généraux et soldats de l’armée irakienne qui combattaient en Iran étaient Chi’ites. Comment aurait-il donc pu dire que c’était un combat sectaire ? C’est pourquoi il a prétendu que cette guerre était entre les Arabes et les Perses.
Cependant, et c’est malheureux, certains des régimes Arabes d’aujourd’hui ne s’occupent pas des Sunnites et du peuple Sunnite. Ils ne s’intéressent pas au peuple de Palestine. Lorsque nous regardons les statistiques portant sur les pays Arabes – et la majorité des habitants des pays Arabes sont Sunnites – nous voyons qu’il s’y trouve des dizaines de millions de personnes affamées, des dizaines de millions d’illettrés, des dizaines de millions de chômeurs, des dizaines de millions de…, alors qu’il y a des régimes qui ont des fortunes de plusieurs centaines de milliards de dollars entassées, mais ils ne font rien pour les peuples Sunnites. Cependant, lorsqu’ils s’engagent dans une guerre contre l’Iran, le conflit devient un conflit entre Sunnites et Chi’ites ! Eh là, non mon frère ! Le conflit n’est pas un conflit Sunnites-Chi’ites. Même durant la guerre Iran-Iraq, l’Iran n’a pas considéré qu’il s’agissait d’une guerre entre les Sunnites et l’Iran, à aucun moment. C’était la guerre de Saddam Hussein et de quelques régimes qui se sont ralliés à ses côtés et ont dépensé des centaines de milliards de dollars dans cette guerre destructrice.
Conformément à cette lecture, nous devons énoncer ce qu’est notre devoir. Notre devoir est, premièrement, de considérer tout conflit ou combat au Liban ou dans tout autre pays – que ce soit la Syrie, l’Iraq, le Bahreïn, le Yémen, l’Egypte, la Tunisie ou la Libye – et pas seulement entre Sunnites et Chi’ites : entre Musulmans, Chrétiens, Sunnites, Chi’ites ou d’autres courants Islamiques ou nationalistes, etc., nous devons les considérer dans une perspective politique, et non dans une perspective sectaire. Cela impose de rejeter tout discours sectaire ou confessionnel ainsi que tout recours à la mobilisation sectaire ou confessionnelle.
Car certaines personnes peuvent être à même de faire sortir le génie de la lampe mais elles sont incapables de l’y faire retourner. Il y a bien des preuves de cela. Vous pouvez transformer votre discours sectaire et factionnel en un véritable serpent, mais après cela, vous ne serez plus capables de le contrôler et il vous tuera vous-mêmes. C’est pourquoi nous devons être très prudents. C’est pourquoi aujourd’hui, tout discours sectaire ou confessionnel est comme une parole malfaisante qui peut tout détruire et tout dévaster.
Deuxièmement, nous devons circonscrire le problème à ses limites véritables. Limitons le trouble à l’intérieur du pays dans lequel il se produit, entre les deux factions bien définies entre lesquelles il a lieu. Limitons-le à cela. Ne généralisons pas, n’évoquons pas toutes les causes imaginables, ne mélangeons pas les questions les unes aux autres, car il serait beaucoup plus difficile de les résoudre.
Troisièmement, ô frères et sœurs, ô monde Arabe et Islamique, ô Chrétiens, Musulmans, Chi’ites et Sunnites, Nationalistes et Islamistes ! Malheureusement, certains groupes mènent des combats fratricides qui réduisent les os en poussière, alors qu’ils sont les enfants de la même révolution. C’est le cas dans plus d’un pays Arabe.
Eh bien, où cela mènera-t-il ? La seule solution est que les gens aient de la tolérance les uns envers les autres. La patience, l’ouverture d’esprit et le dialogue sont meilleures que la précipitation vers les conflits. Même dans les endroits où il y a déjà des conflits, nous devons revenir au dialogue. Nous devons rechercher un accord. Nous devons rechercher un compromis, une issue. C’est ce à quoi nous appelons une nouvelle fois dans toutes les places, de la Syrie au Bahreïn, au Yémen, à l’Egypte, à la Tunisie, à la Libye, à l’Irak et – à la lumière des événements actuels – au Liban, afin que personne n’entre en guerre avec personne.
Après tout, tout le monde a quelque chose à dire. Tout le monde est doté de logique. Tous les gens peuvent avoir un droit ou des droits à réclamer. C’est pourquoi nous devons nous écouter les uns les autres, et nous devons essayer d’adresser nos revendications de cette manière logique même si cela prend un plus de temps. C’est bien mieux que de se jeter dans des conflits dans lesquels nous démolissons nos pays, nos sociétés et nos peuples pendant que l’Occident et Israël s’assoient et nous regardent, se réjouissant de nos malheurs et abandonnant jusqu’à ceux qu’ils ont entraîné dans telle ou telle bataille. Il y a bien des preuves de tout cela.
Le plus important est la préservation du pays, de la nation. Je me souviens à ce propos de Son Eminence Sayed Musa al Sadr (qu’Allah le retourne parmi nous en bonne santé). Dans les années 1970, il organisa une grande manifestation à Baalbek, et une autre à Tyr, dans lesquelles il parla avec véhémence des droits bafoués des pauvres et des démunis. Cependant, lorsque la guerre civile éclata au Liban, il cessa toutes ces activités. Il disait que le gouvernement était à la dérive et que le pays était en train d’être détruit. Nous voulons un pays dans lequel nous pouvons vivre et duquel nous pouvons exiger des droits. Personne ne détruit un pays ou un Etat pour obtenir des droits et des réformes. Il faut que le pays survive. Il faut qu’un Etat survive afin qu’on puisse lui exiger des droits et afin qu’il puisse mettre en œuvre les réformes. Cela ne peut être obtenu que par le dialogue et les discussions, que par un accord. Même s’il doit y avoir une confrontation, qu’elle soit pacifique, et que toute autre forme de conflit et tous combats meurtriers soient rejetés.
Aujourd’hui, la responsabilité des élites, des savants, des dirigeants, des politiciens, des écrivains, des intellectuels, des associations et des médias dans le monde Arabe et Islamique est très grande. Parce que les gens les écoutent, les suivent et leur obéissent. Par conséquent, leurs devoirs vis-à-vis de ce monde et de l’autre sont plus grands aujourd’hui que jamais auparavant.
[Les élections israéliennes : Sharon, le dernier des Rois d’Israël]
J’ai un rapide commentaire sur les élections israéliennes. En bref, les résultats des élections israéliennes mènent aux conclusions suivantes.
Si dans ce monde bien des gens ne se sentent pas concernés et ne suivent pas de près ce qui se passe au niveau de l’entité sioniste, nous nous sentons pour notre part concernés quelles que soient les préoccupations du Liban et quelles que soient les préoccupations de la région. Car l’origine du problème est là. L’histoire a commencé là-bas. Elle a commencé avec la création et la fondation de cette entité. Ce qui s’est passé et ce qui se passe dans cette région est en grande partie de la faute de cette entité et pour le bien de cette entité, pour sa stabilité et sa préservation.
Je ne veux pas ici faire d’analyse. Je vais seulement énoncer la conclusion. Ces élections enregistrent clairement un recul des partis dirigeants et fondateurs de cette entité – tels que le Parti Travailliste et le Likoud. Leur recul est très net. Il y a un manque en Israël : il n’y a pas de fort parti dirigeant. C’est ce à quoi appelait Netanyahu lorsqu’il disait qu’Israël a besoin d’un parti fort qui le dirige. Les élections n’ont pas donné de parti fort qui dirige cette entité. Des dirigeants forts et traditionnels manquent cruellement.
Vous souvenez-vous de ce que j’ai dit un jour ? En fait, ce n’est pas moi qui ai dit cela. Quelqu’un m’a dit un jour – lorsque Sharon tyrannisait, intimidait et terrorisait tout le monde Arabe et toute la région – de ne pas avoir peur de Sharon, ajoutant qu’il ne pourrait rien faire et qu’il était le dernier des Rois d’Israël. Puis j’ai dit dans l’un de mes discours que Sharon était le dernier des Rois d’Israël. Il est évident qu’il est le dernier des Rois d’Israël. Qui est donc venu après Sharon ? Qui y a-t-il ?
Certes, ils se sont mis d’accord pour Netanyahu car il n’y avait pas d’autre choix. Il n’y avait personne. Pour eux, c’est le meilleur des candidats actuels. Cependant, la crise de confiance vis-à-vis de Netanyahu est patente.
L’absence de dirigeants forts et fondateurs, la persévérance des partis religieux fanatiques qui progressent et l’augmentation du nombre de partis et de blocs parlementaires compliquent sans aucun doute le processus de prise de décision.
De manière générale, tout ce qui a eu lieu dans les élections exprime clairement une crise de leadership dans l’entité, une crise des partis, une crise de confiance, et, par conséquent, une crise de l’entité.
Cependant, ce qui ne devait pas nous tromper dans le passé, et qui ne doit pas non plus nous tromper maintenant ou à l’avenir, est la fable de la Droite et de la Gauche et du Centre et du Centre du Centre et que sais-je encore, la Droite de la Droite, etc. En ce qui concerne Jérusalem, en ce qui concerne la Palestine, en ce qui concerne les droits du peuple Palestinien, en ce qui concerne la cause palestinienne, en ce qui concerne les réfugiés Palestiniens, en ce qui concerne les causes et droits Arabes, du Golan au Liban au Sinaï et à l’Egypte, en ce qui concerne l’avidité israélienne, en ce qui concerne les menaces d’Israël adressées aux gouvernements et aux peuples de la région, la Droite, la Gauche, le Centre ou le Centre du Centre ou la Gauche de la Gauche sont tous les mêmes. Bien plus, nos expériences nous ont enseigné que la plupart des guerres israéliennes ont été lancées par des cabinets de Gauche. Qu’il n’y ait aucun malentendu sur l’analyse de la Gauche et de la Droite. Ils sont tous les mêmes. Que ce soit la Droite, la Gauche, le Centre ou un cabinet d’unité nationale qui arrive au pouvoir, rien ne change quant à cet aspect de la confrontation avec l’ennemi. Certes, il va sans dire qu’avec de nombreux partis, il sera plus difficile de prendre une décision politique et il y aura des difficultés de mise en œuvre comme je l’ai dit. Mais pour ce qui est du projet, de la vision, de l’antagonisme, de l’avidité et des menaces, rien ne change. Par conséquent, il n’est pas permis de compter sur quoi que ce soit à ce niveau.
Aujourd’hui, la garantie de Gaza est la force de la Résistance à Gaza. La garantie de la Palestine, du peuple Palestinien et des droits Palestiniens est la réconciliation nationale, l’unité du peuple Palestinien et son adhésion au choix de la Résistance.
La garantie du Liban, quel que soit le dirigeant d’Israël, que ce soit Netanyahu, Sharon, Shimon Peres, Barak, Labeed ou je ne sais qui, la garantie du Liban est dans la formule dont nous avons toujours parlé. C’est l’équation Armée-Peuple-Résistance. Notre pouvoir national, avec ses diverses composantes, est ce qui protège le Liban. L’ennemi ne varie pas selon que le Centre, la Droite ou la Gauche gouvernent. L’ennemi regarde le Liban. Si vous avez de la force, des capacités, si vous pouvez créer un pouvoir de dissuasion, vous pouvez défendre votre pays. Ainsi, vous pouvez extraire le pétrole et le gaz, protéger votre pays et vos frontières, etc. Tout autre élément est inutile est vide de sens. L’expérience de dizaines d’années avec l’ennemi israélien l’enseigne.
Il en va de même au niveau de la région. C’est pourquoi je dis que la meilleure réponse aux élections israéliennes, indépendamment des conclusions et des analyses, est un appel à une plus grande adhésion à la Résistance. Nous devons tous coopérer pour que le peuple Palestinien soit fort à Gaza, en Cisjordanie, en Palestine et hors de Palestine.
Nous devons tous coopérer pour que la Résistance au Liban reste forte et devienne plus forte encore. Nous devons tous coopérer pour désamorcer les mines qui jonchent notre région Arabe. Telle doit être la réponse aux élections israéliennes.
[Le Liban et la loi électorale]
A propos de la situation au Liban, quelques commentaires. La question la plus importante, qui suscite aujourd’hui un grand intérêt et qui domine la scène politique libanaise dans une large mesure, est les élections parlementaires et la loi électorale.9
Je vais m’étendre quelque peu sur cette question car au niveau de notre parti, nous nous abstenons jusqu’à maintenant de participer à des interviews ou de répondre aux journalistes. Par conséquent, nous ne participons que peu aux débats et aux discussions. Nous insistons encore sur cette réserve car malheureusement, une grande partie de la scène politique et médiatique ne mène pas des débats scientifiques et objectifs, ni même des discussions respectueuses. Ce sont bien plutôt des invectives et des injures. C’est pourquoi nous nous tenons à l’écart de joutes qui sont si basses. C’est la meilleure conduite à tenir.
La question de la loi électorale est toujours une question sensible pour les Libanais. Cependant, je pense qu’en ces temps, elle est encore plus sensible. Peut-être que toutes les forces politiques libanaises et que toutes les « confessions libanaises » – car c’est une réalité, la réalité confessionnelle – considèrent les lois électorales à ce stade avec plus de sensibilité que jamais auparavant du fait des circonstances actuelles dans lesquelles se trouve le pays, des peurs et des appréhensions qui y existent ainsi que des divisions tranchées par lesquelles le pays est passé. Ce qui se passe dans la région a également contribué à cette situation.
Par exemple, si nous parlions des Chrétiens et des Musulmans, aujourd’hui, les appréhensions des Chrétiens sont évidemment plus grandes qu’auparavant, non seulement pour des raisons internes au Liban, mais également du fait de ce qui se passe dans la région.
Nous devons être réalistes. Nous ne devons pas dire que certains Chrétiens exagèrent – je vais également parler des Musulmans. Lorsque, par exemple, les Chrétiens voient ce qui se passe avec les Chrétiens en Irak, ce qui se passe avec les Chrétiens en Syrie et ce qui se passe dans d’autres endroits tels que le Nigéria, etc., ils ont tout à fait le droit d’être inquiets, indépendamment de qui est tenu pour responsable de ce qui se passe. Je ne tiens personne pour responsable, et je n’accuse personne. Je ne fais que dépeindre la réalité.
Les développements dans la région ont donc compliqué la situation au Liban et la vision libanaise de la loi électorale. Cette loi électorale n’est pas vue comme une loi électorale normale qui va amener un Parlement normal. Un regard fatidique est porté sur elle. Pour certains, le propos en vigueur est de dire qu’avec cette loi, on va diviser le Liban à nouveau, avec une loi électorale. C’est-à-dire qu’on va revenir à ce que nous voulons éviter à tout prix.
J’ai un jour évoqué l’idée d’organiser une conférence nationale fondatrice. A ce moment, beaucoup de personnes ont fait un grand tapage à ce sujet. Cependant, aujourd’hui, je vous assure que beaucoup de Libanais parlent de la loi électorale avec un esprit fondateur. Eh bien, c’est leur droit (je ne fais que décrire les choses), c’est là leur droit naturel.
Ainsi, et du fait du stade très sensible et critique auquel nous sommes parvenus, et de la situation régionale et internationale, nous autres Libanais devons avoir plus de patience les uns avec les autres. Nous devons avoir plus d’échanges, tenir plus de discussions. Nous devons également nous efforcer de calmer et dissiper toutes les appréhensions, même si certains ont plus d’appréhensions et de peurs.
Dans cette situation, le plus important est d’éviter toute forme d’accusations car elles ne font pas avancer ni reculer les choses. Plus encore, elles sont parfois agressives et humiliantes.
Par exemple – ici, nous allons un peu nous défendre – j’ai entendu quelques dirigeants politiques et députés, certains d’entre eux Chrétiens et d’autres appartenant à différents groupes politiques, je les ai entendus qualifier la proposition10 du Conseil Orthodoxe qui s’est tenu comme étant à l’origine le projet du Hezbollah. Je ne vais pas répéter tout ce qu’ils ont dit. Ils ont dit que c’était le projet de Bachar al-Asad ou le projet du Président Elie Frizli – alors que le Président Elie Frizli a participé au Conseil Orthodoxe. Ce n’est pas avec une telle véhémence, une telle rancœur qu’il faut adresser des questions aussi sensibles et lourdes de conséquences que les lois par lesquelles une nation est construite, qui décident du destin du pays et de son gouvernement pour les quatre années à venir. Ils disent que la proposition issue du Conseil Orthodoxe est le projet du Hezbollah, et que le Hezbollah l’a imposé à ses alliés Chrétiens, l’a imposé au Général (Michel) Aoun, l’a imposé au ministre (Suleyman) Franjieh, l’a imposé au parti Tashnaq, c’est-à-dire à tous les alliés Chrétiens. Veulent-ils dire que le Hezbollah leur a imposé ce projet, les a convaincus d’une manière ou d’une autre de l’accepter ? Cette question de l’adhésion chrétienne (et de l’influence du Hezbollah) est entrée dans des exagérations – jusqu’à (inclure) Bkerké11, Arwat12, les Phalanges, etc.
Laisser entendre de telles choses est humiliant pour tous les Chrétiens du Liban. C’est humiliant pour Bkerké et pour tous les dirigeants Chrétiens et pour toutes les forces Chrétiennes, qu’elles soient d’accord avec nous ou pas. Ces allégations n’ont pas été dites dans une interview ou dans un article. Non, elles ont été fabriquées en coulisses et ensuite reprises dans diverses déclarations. J’appelle cela de la poussière jetée aux vents. Je veux dire qu’il n’y a pas le moindre sens des responsabilités dans le traitement de ces questions. Ce sont des mensonges et des falsifications. Ce n’est absolument pas vrai, et c’est un abus caractérisé.
Si d’aucuns considèrent que le Hezbollah est à ce point capable d’imposer ses vues à ses alliés Chrétiens et de mener les Chrétiens à embrasser son projet – tous les Chrétiens, y compris Bkerké et même ceux du 14 Mars13 –, de les rallier à son projet, alors il ne leur reste plus qu’à remettre le pays entre nos mains et à se retirer (de la scène politique). Pourquoi ces exagérations manifestes ? Et ce qui est plus grave encore que ces extravagances, c’est l’humiliation des Chrétiens qui est contenue dans de tels propos. Non, la réalité est toute autre que celle qui est présentée par ces individus.
Au contraire, lorsque la version préliminaire du projet orthodoxe nous a été présentée durant des discussions, nous avons pris une décision. Je ne me souviens plus si la réponse des frères avait été le refus ou l’abstention. Mais tout au plus, la réponse était celle de l’abstention. Ensuite, nos alliés se sont longuement entretenus avec nous, nous ont expliqué leurs attentes, ont partagé leurs données et leurs conditions, etc. C’est alors que nous avons accepté. C’est la vérité, et c’est ainsi que les choses se sont passées. J’y reviendrai dans un instant. Par conséquent, les allégations portées par ces individus sur ce dossier si sensible sont entièrement fausses.
Dans un second temps (après les faits), on nous chicane sur les intentions. Laissons les intentions des uns et des autres de côté. Il y a des intentions qui sont selon moi normales et naturelles. Par exemple, que d’aucuns recherchent une loi électorale qui préserve leur représentation actuelle (leur nombre de sièges) si elle est déjà normale (représentative de leur poids électoral réel au Liban). D’autres pourraient rechercher une loi électorale qui leur donne leur nombre de sièges réel (au Parlement) s’ils y sont sous-représentés (par rapport à leur poids électoral au Liban). Ce sont là des attentes légitimes. Quiconque recherche à faire passer une loi électorale pour préserver ou obtenir son nombre de sièges réel (selon lui) est dans son droit. Je vais même aller plus loin encore. Si quelqu’un essayait de faire passer une loi électorale pour obtenir un nombre de sièges plus important que son poids électoral véritable, ce serait également son droit. Après tout, cela s’appelle un travail politique, des manœuvres politiques. Cependant, je ne considère pas la loi seulement du point de vue des intentions. Regardons la loi elle-même, car parler des intentions nous conduit dans d’autres considérations. On dit par exemple que le mouvement Amal a soutenu le projet issu du Conseil Orthodoxe, ou que le Général Aoun et le Ministre Franjieh ont accepté le projet issu du Conseil Orthodoxe car ils visaient à se débarrasser des élections. Ce sont là des accusations ineptes. (Au sein de notre alliance), nous avons des choix différents les uns des autres. (Au sein de notre alliance), nous avons des projets différents les uns des autres.
C’est pourquoi nous ne devons pas débattre des intentions ni parler d’une manière agressive et accusatrice. Nous devons considérer la question de manière scientifique et objective. Pour nous, pour le Hezbollah, le principe de toute loi électorale devrait être la proportionnalité. Pourquoi ? Ce n’est pas du fait de notre poids électoral ou du fait de ce qu’une telle loi pourrait nous accorder – car d’aucuns pourraient dire que dans l’état actuel (des alliances), la proportionnelle nous donnerait la majorité en tant que bloc politique (le « 8 Mars »). Certes, mais elle ne nous la donnera peut-être pas demain. Tout le monde sait que dans ce pays, les alliances évoluent et que les groupes et les personnes peuvent se fâcher et devenir antagonistes. Les humeurs changent et sont influencées par la situation de la région. C’est pourquoi la proportionnelle peut nous mettre en minorité. Il ne s’agit donc pas de ce qu’une telle loi électorale nous accorderait. Il s’agit d’être justes et d’ajuster la pertinence de la représentation de tous les courants politiques du Liban, qu’ils soient confessionnels ou qu’ils transcendent les confessions. Leur seule chance d’être représentés au Parlement est une loi électorale qui soit fondée sur la proportionnelle. Voilà la parole de vérité, indépendamment de ce que la proportionnelle peut nous accorder. Le reste n’est pour nous que détails.
Nous acceptons donc de considérer le Liban comme un seul district électoral, avec la proportionnelle. Nous n’y voyons aucun problème. Si vous êtes d’accord, plaçons notre confiance en Allah (et adoptons cette loi électorale). Nous acceptons également de considérer le Liban sur la base de la proportionnelle à l’intérieur des districts électoraux actuels. Nous acceptons de considérer le Liban en districts élargis. Nous acceptons la proposition du gouvernement qui a été soumise au Parlement – c’est-à-dire la proportionnelle dans 13 districts (et non plus 25). Nous acceptons la proposition du Conseil Orthodoxe. Ce sont là des détails. Cependant, selon nous, le point positif et constructif de notre position est d’accepter toutes ces propositions dans le cadre de la proportionnelle.
Pourquoi insistons-nous sur la proportionnelle ? Car la proportionnelle donne à tous la chance d’être représentés au Parlement. Elle donne à toutes les forces politiques, même celles qui ont un plus faible ancrage populaire, la chance d’être représentées au Parlement.
Les armes du Hezbollah et l’arme de l’argent
Je vais parler de la proportionnelle, mais mes informations ne sont peut-être pas exhaustives. Je vais parler d’après l’état actuel de mes informations. Vis-à-vis de la proportionnelle, en réalité, jusqu’à présent, le problème principal – sinon le seul problème, mais je vais être prudent et dire le principal problème – évoqué par le bloc adverse est les armes. Ils ont donc brandi le slogan « Pas de proportionnelle avec les armes ». Mais c’est sans fondement. Pouvons-nous parler objectivement de cette question quelques instants ?
Premièrement : la Résistance existe depuis bien avant 199214. Durant cette année, nous avons participé aux élections. En 1996, 2000, 2005 et 2009, où des armes ont-elles été utilisées ? Dans quel district électoral des armes ont-elles été utilisées pour imposer des choix électoraux ? N’est-ce pas une preuve ? N’est-ce pas clair ? Si vous parlez sur la base d’intentions alléguées, nous parlons sur la base des faits. Ce sont des faits incontestables. De 1992 à ce jour, citez-moi un seul district électoral dans lequel des armes ont été utilisées afin d’imposer des choix électoraux. Voilà en ce qui concerne le premier point.
Deuxièmement : les armes dont vous vous plaignez aujourd’hui, et qui causeraient selon vous des pressions sur les élections, ne sont pas aujourd’hui les armes de la Résistance. Tous les Libanais ont des armes. Plaisantons quelque peu. Par exemple, si vous voulez imposer un choix électoral sur une ville ou un village par la force, avez-vous besoin d’utiliser des roquettes Zilzal, ou des missiles Fajr 5, ou le Drone Ayoub15 ? Rien de tout ça. Tout ce dont vous avez besoin pour imposer des choix électoraux sur quiconque par l’intimidation et la peur est d’une Kalachnikov. Et il y a des Kalachnikov partout. Tous les Libanais ont des Kalachnikov. La grande majorité des Libanais, partout au Liban, possèdent des Kalachnikov.
Troisièmement : même si les armes avaient une influence sur les élections, leur influence dans le cadre de la loi de la majorité (actuellement en vigueur) est plus grande que leur influence dans le cadre de la proportionnelle. Car avec la loi de la majorité, il suffit d’avoir 50% + 1 pour gagner les élections ; alors que dans la proportionnelle, quelle que soit la pression qui serait exercée, un groupe particulier pourrait tout de même atteindre le seuil requis et faire élire un député au Parlement. De mon point de vue, le problème des armes avec la loi de la majorité serait bien plus grand qu’avec la proportionnelle. Par conséquent, il n’est pas pertinent de brandir le problème des armes. Je ne veux pas employer d’autre épithète. Je dis seulement que ce n’est pas pertinent.
Le problème n’est pas du tout dans la question des armes. J’irai plus loin encore. Je ne considère même pas avéré que les armes interviennent dans les élections, que ce soit à notre profit où à celui de nos adversaires. Donc je ne suis pas seulement en train de défendre le Hezbollah. Même en ce qui concerne les autres partis, nous n’avons jamais vu que des armes aient été utilisées pour imposer des choix politiques au Liban, malgré l’omniprésence des armes au Liban.
Ce qui est beaucoup plus réel et beaucoup plus dangereux est l’arme de l’argent. Oui, c’est l’arme de l’argent. Peut-être qu’un jour, je révèlerai l’identité de la personne qui m’a révélé ceci – et c’est un très grand responsable, et l’un des principaux soutiens de nos « amis » du bloc adverse : « En 2009, nous avons dépensé 3 milliards de dollars dans les élections parlementaires16 » Tout cela au Liban, un pays si petit ! A l’époque, je lui avais répondu en plaisantant : « Si nous avions su cela, nous vous aurions demandé de nous donner les 3 milliards de dollars en échange des élections. »
Qu’est-ce qui est le plus dangereux ? L’argent ou les armes ? Ou sont-ce les médias qui pénètrent dans chaque maison 24h/24 et qui comportent malheureusement une grande partie d’informations fausses, trompeuses, manufacturées ? Une grande partie des médias fabrique de toutes pièces des mensonges et des histoires sans fondement et s’en sert afin de créer des troubles.
C’est pourquoi je demande encore une fois : lequel est le plus dangereux, l’argent ou les armes ? Les médias ou les armes ? Lequel est le plus influent dans des élections ?
Nous aimons entendre des discussions scientifiques et objectives, à l’image de ce que je viens de dire, de même que, comme je l’ai dit, je comprends les craintes entraînées par la question des tailles (des blocs parlementaires). Je l’ai dit et je respecte ces appréhensions, et je n’ai aucun problème avec cela. Le problème de ceux qui, jusqu’à présent, refusent la proportionnelle est que la proportionnelle donne aux forces politiques leur taille normale ; elle n’est pas injuste envers eux, elle ne leur donne ni une taille plus grande, ni une taille plus petite. Elle leur donne leur taille réelle.
Certains considèrent que leur garantie est d’avoir une taille plus grande que leur taille réelle. Je respecte cette appréhension. Mais nous devons considérer les choses d’une manière qui prenne en compte toutes les appréhensions.
J’ai un dernier mot à dire sur le Conseil Orthodoxe qui s’est tenu. Les Chrétiens aujourd’hui ont cette appréhension. Afin de sortir de cette atmosphère d’exagérations, puisque certains misent sur la manière dont le Hezbollah et le mouvement Amal vont voter, je vais réaffirmer clairement notre conviction et notre position : lorsque nous disons à d’autres que nous acceptons et que nous sommes d’accord, cela signifie que lorsque leur proposition sera soumise au vote, nous voterons en faveur de ce que nous avons approuvé. Jusqu’à présent, nous avons tous deux – Amal et Hezbollah – pris cette décision. Je parlerai au moins au nom du Hezbollah.
Si une session parlementaire se tenait demain matin – et malgré le fait que certains de nos autres alliés ont des réserves, certaines personnalités que nous respectons énormément ont exprimé des réserves sur le Conseil Orthodoxe – et que les lois étaient soumises au vote, si la loi proposée par le gouvernement était soumise, nous voterions en sa faveur. Si la loi électorale considérant le Liban comme un seul district électoral était soumise, nous voterions en sa faveur. Si la proposition du Conseil Orthodoxe était soumise, nous voterions en sa faveur. Ce que je dis est clair. Alors que personne ne prétende que le Hezbollah et le mouvement Amal font des négociations et marchandent, manœuvrent ou fomentent des séditions entre les Chrétiens. Non ! Nous sommes fidèles, loyaux, et nous sommes convaincus de la justesse de nos positions.
Aujourd’hui, dans leur grande majorité, les Chrétiens considèrent que cette loi permet ce qu’ils appellent une représentation valable, ce qu’ils appellent un partage véritable et équitable. Car il y a une dispute dans le pays sur ce qu’est un partage véritable et équitable.
Alors nous tous, tous les Musulmans (je ne parle pas des Chi’ites), tous les Musulmans des différentes écoles au Liban, donnons aux Chrétiens cette chance. Allons au Parlement et votons une loi électorale proportionnelle sans que personne ne considère qu’il obtiendra moins que sa taille. Quant à celui qui obtenait jusque-là plus que sa taille et ne pourra plus obtenir la même chose, il ne doit pas avoir de problème avec cela. A ce stade, il doit être humble. Que tous considèrent qu’au Parlement, ils seront représentés selon leur taille véritable. Au Parlement, il n’y a pas de débat sur la validité de la représentation, il n’y a pas de débat sur les tailles réelles, il n’y a pas de débat sur le partage véritable et équitable, il n’y a pas de doutes ni d’appréhensions. Le prochain Parlement peut donner la chance historique au monde entier de voir comment on peut faire des réformes dans le régime, faire évoluer le régime. Ainsi, les Libanais n’auront pas besoin de créer des réseaux en dehors du Parlement afin de se rencontrer, de discuter et de débattre. Au contraire, tous les Libanais seraient dans un système de représentation équitable au Parlement. Ils parleront les uns avec les autres, prépareront des lois, se prononceront sur les politiques du gouvernement, etc. C’est une grande opportunité. Pourquoi ne pas la saisir ?
Quant à nous, nous ne sommes étroits d’esprit sur aucune question. Nous ne fermerons jamais la porte de la discussion. De même que certains partis parmi les Chrétiens ont des appréhensions, les Musulmans également ont des appréhensions. Nous devons toutes les prendre en compte et voir à quel accord nous pouvons parvenir. Quoi qu’il en soit, c’est la voie en laquelle nous croyons fermement.
Un dernier mot sur la loi électorale avant la conclusion. J’appelle tous les Libanais à débattre de la loi électorale. Sur la base d’une loi électorale juste et équitable, dirigeons-nous vers les élections parlementaires. Otez de vos esprits l’attente de ce qui va se passer en Syrie. Otez de vos esprits l’attente de ce qui va se passer en Syrie – surtout ceux qui attendaient la chute de Damas, surtout ceux qui attendaient un changement dramatique en Syrie pour pouvoir intimider les Libanais. Laissons ce problème de côté. Il est clair que les données de terrain, les données politiques, les données régionales et les données internationales confirment que les choses en sont arrivées à un point où les rêves que beaucoup de personnes caressaient ne seront pas réalisés. Ils construisaient leurs actions sur la base de différents rêves.
Je ne vais pas évoquer la Syrie. Notre position vis-à-vis de la question syrienne est claire et a été exposée à maintes reprises. Cependant, je veux renouveler mon invitation à laisser ce problème de côté. Nous ne voulons nous imposer sur quiconque en nous appuyant sur la Syrie, et personne ne doit essayer de s’imposer sur les autres en profitant de la situation syrienne. Laissons ce problème de côté. Discutons posément. Il s’agit de notre pays. Il s’agit de notre peuple. Ce sont nos problèmes intérieurs. Ce sont nos crises internes. Ce sont nos confessions, et nous avons également des forces qui transcendent les confessions. Mais ce sont nos confessions malgré tout, ce sont nos forces politiques, ce sont nos appréhensions, ce sont nos attentes. Comment réconcilier tout cela, comment cohabiter ?
C’est pourquoi j’espère que personne ne considère ce problème comme une simple loi électorale. Tout le monde se comporte comme si cette loi électorale était pour une période limitée, même s’ils ne le reconnaissent pas explicitement. Tout le monde devrait considérer ce processus comme l’établissement d’un fonctionnement électoral durable, et nous sommes sur le point d’y parvenir.
[Les autres problèmes internes]
Cela dit, la loi électorale ne doit pas accaparer le gouvernement et l’amener à négliger les problèmes quotidiens, le dialogue sérieux, responsable et constructif avec le corps syndical, la question de l’Université Libanaise, la cause des réfugiés – tous les réfugiés –, la question sécuritaire et même la cause des prisonniers et des détenus. Ici, je joins effectivement ma voix à tous ceux qui proclament la légitimité de cette cause. C’est la cause des Islamistes qui ont été arrêtés17. Votre position à ce propos ne change rien à l’affaire. Ce qui importe est que ces gens ont été arrêtés il y a quatre ou cinq ans. On peut les juger. C’en est assez. Qu’attendez-vous pour les juger ? Il est injuste de détenir sans procès des individus pendant plusieurs années. C’est une oppression manifeste, indépendamment de ce que vous ou moi pouvons penser de ces Islamistes, en bien ou en mal. Si leur arrestation est légitime, nous devons tous le reconnaître. La justice doit triompher. Nous ne devons pas libérer les personnes détenues sous n’importe quelles conditions. Nous demandons seulement à ce qu’elles soient jugées. Il est injuste de les maintenir en prison durant cinq ans sans procès. Ce principe ne s’applique pas seulement aux Islamistes arrêtés, mais à tout prisonnier détenu au Liban. Le gouvernement libanais doit encourager et pousser – si nous considérons qu’il n’intervient pas directement sur le pouvoir judiciaire – la justice et les tribunaux à résoudre ce problème.
Nous devons avancer et traiter ces problèmes en tant que Libanais, en tant que gouvernement Libanais. La loi électorale ne doit pas nous accaparer. Cependant, nous espérons que la loi électorale est envisagée dans cet esprit. Peut-être serons-nous à même de parvenir à un résultat définitif et positif pour notre pays, pour les temps présents comme pour les temps à venir.
[Conclusion]
Encore une fois, je vous souhaite une bonne fête, et soyez remerciés mille fois pour votre présence. Que la grâce d’Allah soit déversée sur vous en cet anniversaire généreux et grandiose.
Que la paix d’Allah soit sur vous, ainsi que Sa Miséricorde et Sa Grâce.
Notes
1 Les sunnites considèrent majoritairement que la date de naissance du Prophète est le 12e jour du mois de Rabi3 al Awal, et les chi’ites considèrent que c’est le 17e jour de ce mois, d’où la “Semaine de l’Unité Islamique” proclamée par l’Imam Khomeini. Les notes sont du traducteur.
2 Le 6e Imam de l’Islam chi’ite, né, comme le Prophète selon les sources chi’ites, le 17e jour du mois de Rabi3 al Awal.
3 Coran, LXVIII, 2.
4 Coran, XLIX, 13.
5 Hadiths du Prophète.
6 « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c’est ton Seigneur qui connaît le mieux celui qui s’égare de Son sentier et c’est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés. » Coran, XVI, 125.
7 Coran, II, 216.
8 Coran, II, 30.
9 Au Liban, les élections se font sur une base confessionnelle et non proportionnelle à la taille réelle des confessions, donnant un poids à peu près égal aux Musulmans et aux Chrétiens, aux Sunnites et aux Chi’ites, etc., alors que les Musulmans représentent 59% de la population – dont 30% de chi’ites, 24% de sunnites et 5% de druzes – et les Chrétiens 41%, ainsi qu’à chacun des 26 districts du Liban ; de nouveaux projet de loi électorale proposent la proportionnelle intégrale, en considérant le Liban comme un seul district ou en élargissant les districts.
10 Proposition en faveur de la proportionnelle à l’échelle nationale.
11 Ville où se trouve le siège de l’Eglise Maronite.
12 Terme non compris par le traducteur.
13 Coalition opposée à celle dont fait partie le Hezbollah, le « 8 Mars » ; le « 14 mars » inclut notamment le parti du Futur de Saad Hariri, sunnite, et les Forces Libanaises de Samir Geagea, maronite
14 Année des premières élections parlementaires après la guerre civile.
15 Nom du drone du Hezbollah abattu par Israël au-dessus de la centrale nucléaire de Dimona en Octobre 2012 après avoir survolé le pays.
16 Elections remportées de justesse par le « 14 Mars », notamment grâce à l’appoint du vote des expatriés dont le voyage aurait été payé ; bien des votes auraient été achetés ; numériquement, le bloc du Hezbollah avait tout de même obtenu près de 55% des voix, mais le système confessionnel pondère les voix selon les appartenances. Cf. Noam Chomsky, http://chomsky.info/articles/20090709.htm
17 En 2007, des combattants du Fatah al Islam, un groupe proche d’Al Qaida, ont affronté l’armée libanaise dans le camp palestinien de Nahr al Bared, près de Tripoli. Ils ont été délogés après de très violents affrontements qui ont fait près de 450 morts (dont 168 soldats et 226 combattants). De nombreuses arrestations de combattants et de complices allégués ont eu lieu.